Évènement

Exposition : un photo-reportage à bord de l'Aquarius

Mise à jour le 29/01/2019
Du mercredi 6 février au lundi 4 mars prochains, la Mairie du 10e vous propose de découvrir "Ils arrivent pieds nus par la mer", un photo-reportage à bord de l'Aquarius, réalisé par l’artiste Maud Veith, en partenariat avec l’association SOS Méditerranée. Une occasion de s'informer en tant que citoyennes et citoyens, sur la situation des populations qui fuient la Libye, et tentent de rejoindre l’Europe par la mer, au péril de leur vie.

Le mot de l'artiste, Maud Veith

"En octobre 2017, j’embarquai pour la première fois à bord de l’Aquarius, bateau humanitaire sillonnant les eaux internationales au large de la Libye.
J'ai été très marquée par la vision de ces personnes qui avaient pris la mer en laissant derrière eux une partie de leur histoire.
Nombre d’entre elles ont été récupérées pieds nus, avec pour tout bagage un petit sac plastique contenant l'essentiel de leurs affaires. Pour fuir l'horreur, elles s’étaient entassées dans des embarcations de fortune, s’aventurant en mer, en pleine nuit, bravant le froid, la houle et la peur. Parmi elles, la plupart n’avait jamais vu la mer. Dans le meilleur des cas, l’Aquarius les a secourus avant que leur embarcation n'ait cédé. Après trois semaines de mission, 588 rescapés ont été déposés sur la terre ferme, au port de Vibo Valentia, dans le sud de l’Italie.
Je suis retournée à bord de l'Aquarius en septembre 2018. Alors que l’Italie fermait ses ports aux personnes secourues en Méditerranée, et que l’Aquarius était le dernier bateau civil sur zone, des exilés continuaient de fuir la Libye et de se noyer. 58 personnes ont été secourues. Nous avons partagé leur quotidien pendant 10 jours durant lesquels elles ont fait preuve de patience et de sang-froid, dans une mer très agitée, nous empêchant de les débarquer. Elles ont témoigné une impressionnante envie de vivre.
Cette série d’images, prises à une année d’intervalle, a été guidée par mes émotions premières. J’ai été témoin de l’entraide et de l’humanité qui règnent à bord de l’Aquarius, ainsi que d’un spectacle effrayant qui se déroule loin de tous, en haute mer."
Infos pratiques
Exposition - "Ils arrivent pieds nus par la mer"
Du mercredi 6 février au lundi 4 mars 2019
Vendredi 8 février 2019, 19h : vernissage
Vendredi 15 février 2019, 18h30 : projection-débat (film "10 jours en mer : la véritable histoire de l’Aquarius"), en présence de la réalisatrice Anelise Borges, et de membres de l’association SOS Méditerrannée
Mardi 19 février 2019, à 17h30 : visite guidée de l'exposition par l'artisteMardi 19 février 2019, à 18h30 : rencontre-débat entre deux jeunes revues engagées (FemmesPHOTOgraphes et État d’Urgence), en présence de six professionnels de la photographie sociale

Mairie du 10e
72 rue du faubourg Saint-Martin
La Mairie du 10e est accessible aux personnes à mobilité réduite, par l'entrée du 1 rue Hittorf.

Le discours d'Alexandra Cordebard, Maire du 10e

Retrouvez ci-dessous, le discours d'Alexandra Cordebard, Maire du 10e arrondissement, à l'occasion du vernissage de l'exposition. Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le Sénateur, cher Rémi Féraud,
Madame la Maire, chère Dominique Versini,
Mesdames et Messieurs les élus du 10e arrondissement,
Mesdames et Messieurs,
Au lendemain de la Nuit de la Solidarité, je vois un beau symbole dans l’inauguration, ce soir, de cette exposition. Et je voudrais vraiment remercier Maud Veith et SOS Méditerranée, pour leur présence parmi nous, pour l’engagement qu’ils ont pris et qu’ils ont tenu tout au long de ces années à bord de l’Aquarius, et surtout pour le témoignage qu’ils nous rapportent.
Ce témoignage est, je le crois, un témoignage d’humanisme. Il est à la fois magnifique par les valeurs qu’il porte – des valeurs de solidarité, de fraternité, de tolérance – et il est aussi terrible.
Terrible, parce qu’il nous met face à une réalité dont on préfère trop souvent détourner le regard, par gêne, par honte, mais surtout par égoïsme. Une réalité que nous connaissons sans la comprendre toujours. Une réalité qui est distordue, manipulée, instrumentalisée par les uns et par les autres.
Depuis quelques mois, le drame qui se joue en Méditerranée nous paraît peut-être plus lointain, moins immédiat qu’il y a quelques années. Moins aigu. Alors qu’ils étaient un million en 2015, ils n’étaient plus que 40 000 l’an passé.
À l’époque on parlait volontiers de crise, et certains, de supposés bons mots en sorties médiatiques, évoquaient un benchmarking, une submersion, un envahissement…
Les querelles de chiffres n’y changent rien. Les meilleurs arguments non plus. Même l’évidence de notre histoire, de nos valeurs, de notre idéal républicain, de nos engagements européens. Tout cela a été abandonné, galvaudé, sacrifié.
La crise passée, nous avons donc collectivement mis de côté, oublié.
Nous avons fait semblant de croire que tout avait été réglé par des accords européens ou par le règlement de Dublin ; nous avons pensé trouver la solution à travers des politiques de quotas que, pourtant, nous ne respectons pas ; nous avons flatté le pire de nous-mêmes en cédant au durcissement de nos lois, quand nos voisins, eux, vont jusqu’à ériger des murs, des grilles, des barbelés.
Et nos préoccupations ont finalement, égoïstement, repris le dessus. Nous avons renoncé.
Pourtant, chaque mois, chaque semaine, des hommes et des femmes s’embarquent et tentent la traversée. Ils abandonnent tout derrière eux, pour la simple espérance d’un avenir meilleur. Pour fuir leur détresse, les dangers qu’ils courent, l’absence de perspective. Je le dis car il faut le répéter : cet exil n’est jamais un choix pour ceux qui s’y résolvent. Ce n’est qu’une ultime option pour fuir un conflit, pour échapper à une guerre civile ou à des persécutions. Pour éviter le lynchage lorsque l’on est homosexuel. Pour se soustraire à des mutilations atroces lorsque l’on est une femme. Pour se protéger soi-même de violences, ou pour en protéger ses enfants. Et souvent, tout simplement, pour survivre à la faim et à la misère, et bientôt, de plus en plus, pour ne pas subir les effets du dérèglement climatique.
Celles et ceux qui s’embarquent dans des conditions effroyables, le font pour créer ailleurs un nouveau destin. Ils choisissent de frôler la mort, simplement pour vivre.
Face aux renoncements qui sont les nôtres, qui sont ceux de notre pays, ceux de nos partenaires européens, face aussi à ces passeurs que nous laissons agir comme des marchands d’esclaves dans des pays ravagés comme la Libye, oui face à tout cela SOS Méditerranée s’est engagé. Vous vous êtes engagés à venir en aide à ces femmes et à ces hommes. À les secourir et à les mener vers leur destination. À les conduire, s’il le faut, de port en port, au gré des refus des gouvernements.
En un peu moins de trois ans d’activité, l’Aquarius a sauvé 30 000 migrants de la tempête, du froid, du naufrage, de la noyade. En un peu moins de trois ans d’activité, l’Aquarius est devenu le symbole de l’échec de nos gouvernements, autant que le symbole de la solidarité.
Et ce soir, je suis particulièrement heureuse de vous accueillir dans le 10e. D’abord en raison de l’histoire récente de notre arrondissement : je pense aux campements qui s’étaient créés le long du canal Saint-Martin notamment, et aux mises à l’abri que nous avons pu réaliser chère Dominique Versini. Sur les rives du canal Saint-Martin, des centaines, parfois des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de nourrissons, ont vécu dans des conditions de dénuement et de misère profondément choquantes, profondément indécentes.
Et ensuite et peut-être surtout, parce que, tout simplement, votre exposition nous permet de prendre le recul nécessaire à considérer un fait très simple. Elle nous appelle, elle nous rappelle que nous ne devons pas nous résigner, que nous ne devons pas les abandonner, faute de quoi nous nous abandonnerions nous-mêmes.
Venir en aide à ces femmes et à ces hommes, c’est le seul et unique moyen pour nous, de pouvoir demain nous regarder dans une glace. De pouvoir demain soutenir le regard interrogateur de nos enfants, de nos petits-enfants.
Ne pas admettre l’attentisme, refuser cette surdité collective, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre en œuvre la solidarité, c’est aujourd’hui notre devoir.
Chère Maud Veith, vous avez refusé de fermer les yeux sur le malheur et la détresse des autres, et ce faisant, en capturant ces images dures, en capturant ces images humaines, vous gardez nos yeux ouverts. Je voudrais une fois de plus vous en remercier.
Merci à vous.

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